PARCE QUE CE QUI NOUS EMPÊCHE ET NOUS FAIT SOUFFRIR NE NOUS APPARTIENT PAS FORCEMENT…
EXTRAIT de Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle, Verdier, 2020, p 79.
Celui qui survit, c’est pour raconter
quelle histoire ?
…il retrouve les photographies autour de son lit, ne prend plus soin de les ranger ; tout tombe, il pense, mais la matière, elle, patiente : les arbres savent attendre comme les pierres, les lacs, les rivières et les photographies ; tandis que nous, nous sommes si pressés ; nous infligeons à nos corps la pulsation malade de nos aspirations ; et lui, il voudrait guérir en moderne comme son frère Jérôme qui était si impatient ; il aimerait qu’il y ait un docteur, une drogue pour le relever ; mais la vie est une matière qui sait, que nous aimerions déchiffrer, et à laquelle, malgré tous nos appareils, nous ne comprenons rien ; la matière impose ses heures, le temps des blessures, et nous, nous voudrions que la roche parle, que la peau cicatrise ; nous sommes comme les arbres qui tremblent sous les orages ; pour l’heure dans sa chute il se dit qu’il faut accepter ce temps de la matière ; le temps du corps qui tombe, des photographies qui rappellent le passé : que peut-il faire d’autre de ça, faire face aux preuves, tenter de voir si les images relancent en lui une vie et en attendant faire semblant d’exister
car un homme donne l’impression de rire
quand tout l’attire vers la nuit
et c’est à ça qu’on mesure sa faille
ce pouvoir de produire une apparence
quand tout en lui est en train
de mourir