La psychothérapie est désormais reconnue d’utilité publique mais quelle est son histoire et d’où vient la méthode du Rêve Éveillé Libre ?
Le 19e siècle a ouvert la voie de l’inconscient avec notamment, en 1784, la découverte du somnambulisme magnétique par le Marquis de Puységur.
Ancêtre de l’hypnose, le somnambulisme magnétique est un état de sommeil lucide qui permet aux personnes souffrantes de voir à l’intérieur de leurs corps et de comprendre l’origine de leurs maux.
Cette découverte est explorée par deux écoles françaises : l’Ecole de la Salpêtrière avec Charcot et l’Ecole de Nancy représentée par Liebeault.
Il est alors déterminé que l’hypnose est un état de suggestibilité imposé qui amène une information en vue de traiter le trauma qui a généré une maladie ou un mal être. Cette hypnose médicale est désignée par le terme de “psychothérapie” par Hyppolyte Bernheim en 1891.
Histoire d’une méthode psychothérapeutique : du Rêve Éveillé Dirigé de Robert Desoille au Rêve Éveillé Libre de Georges Romey
En 1923, Robert Desoille, un ingénieur français, assiste à des expériences médicales visant à étudier le fonctionnement de l’imaginaire sur des personnes ayant pris des substances hallucinogènes.
Il s’interroge sur la nécessité d’utiliser des psychotropes pour activer l’imaginaire et établit l’hypothèse que l’émergence de l’imaginaire est une chose naturelle. Il réalise alors une série d’essais et invite des personnes à s’allonger et à décrire les visions que leur imaginaire leur propose. Les résultats sont concluants : dès lors que le sujet accepte de se laisser aller à l’expérience, l’imaginaire se manifeste de lui-même, sans que l’usage de psychotropes ne soit nécessaire.
Robert Desoille, encouragé par Gaston Bachelard et même Einstein dans ses correspondances, observe que toutes les personnes placées dans cette situation, qu’importe leur sexe, leur âge et leur niveau culturel, rencontrent les mêmes images.
Ces images que Carl Gustav Jung nomme les archétypes sont des symboles universels communs à l’ensemble de l’humanité : le soleil, la montagne, le feu etc. A partir de cette constatation, Robert Desoille suggère des images ou des mouvements (montée ou descente) en début de rêve et intervient fréquemment durant le scénario onirique. Les résultats s’avèrent étonnants et il constate que l’imaginaire permet de libérer des émotions stagnantes qui n’avaient pas pu se libérer lors d’un événement traumatique. Ce protocole lui suggère l’appellation de Rêve Eveillé Dirigé.
La méthode du Rêve Éveillé Libre : Georges Romey, un chercheur avant-gardiste
Georges Romey nait le 6 mai 1929 et passe son enfance à Lorient. Rapidement, sa famille doit fuir la ville bretonne à cause des bombardements survenus lors de la 2e Guerre Mondiale. Le jeune Georges et sa famille trouvent refuge dans une ferme où il passera deux années à s’occuper d’animaux et à développer son imaginaire, qu’il a débordant. Discret sur les années de son enfance, il passe son service militaire et décide de s’installer à Paris pour y rejoindre celle qui deviendra sa femme. Cependant, son histoire personnelle et certains traumatismes d’enfance l’empêchent de se sentir pleinement heureux.
En 1952, Georges Romey, alors âgé de 22 ans, entreprend une cure de Rêve Eveillé Dirigé avec un proche collaborateur de Robert Desoille. Il découvre la puissance réparatrice des images et une double vocation germe en lui : devenir un jour chercheur en symbolique et thérapeute. Il se donnera pour ambition d’étudier le système des symboles : leurs apparitions et le sens de leurs apparitions.
À cette époque, il n’existe aucun ouvrage sérieux rassemblant les connaissances, différences et similitudes entre les symboles. Le fameux Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, ne paraîtra que vingt ans plus tard.
Après une douzaine de séances de Rêve Eveillé Dirigé, et sur les conseils de son thérapeute, il s’inscrit au Conservatoire national des Arts et Métiers où il passe 14 certificats. Passionné par les relations qu’entretient l’être humain avec le travail, il se consacre à l’étude de la sélection professionnelle, de la physiologie, de l’histoire, de l’organisation et de la psychologie du travail.
En 1968, il devient ingénieur puis consultant spécialiste des structures et de l’organisation du travail pour le groupe Unilever, où il était entré comme garçon de courses des années plus tôt. Il prend la tête du service « organisation » du groupe, créé un cabinet de consultants et une section de recrutement de cadres.
Au long de sa carrière il rencontre un grand nombre de personnes chez qui il décèle une problématique psychologique et à qui il conseille le Rêve Eveillé Dirigé. S’il avait depuis longtemps l’intuition que l’induction, le fait d’imposer des images à un cerveau en état de relaxation, entravait la disposition naturelle de ce dernier à réparer ou à construire de nouvelles connexions neuronales, il n’avait cependant pas encore eu l’opportunité de valider ou d’invalider cette théorie. Dans son Encyclopédie de la symbolique des rêves, Georges Romey explique :
“Je savais par des travaux antérieurs, que toute proposition d’image, toute intervention au début ou pendant le rêve, déclenchent une chaîne d’associations qui relèvent de la structure neuronale et ne sont pas expressives de la problématique du patient. Autrement dit, ce qu’on obtient est en partie ce qu’on a provoqué. Je souhaitais constituer, à partir des rêves de mes patients, une base de données exempte de toute suggestion volontaire. On l’aura compris, il me fallait pour cela pratiquer une méthode excluant toute forme de directivité.»
C’est en 1979 qu’un jeune homme va, sans le savoir, lui permettre de se consacrer pleinement à la vocation née des années auparavant. En détresse psychologique, il se confit à Georges Romey dans le cadre d’un entretien particulier. Georges Romey y voit l’opportunité de se consacrer à l’étude de l’émergence des symboles qui l’intéresse depuis si longtemps.
Il lui propose de tester une démarche nouvelle pour résoudre ses problématiques : faire un Rêve Eveillé non-directif. Cette expérience se révèle d’une remarquable efficacité et il décide de nommer sa méthode le Rêve Eveillé Libre.
Au-delà de se révéler efficace, la non-directivité de la méthode permet l’accès à un « matériau » pur et spontané, immaculé de toute intervention du thérapeute et mesurable en termes de statistiques pures. Georges Romey est un homme rationnel qui aime étudier et déployer les structures qui servent l’efficacité. Aussi, il développe un panel d’outils et de tests, inspirés de son parcours professionnel, dont il se sert pour étudier la systémique des images produites en situation de relaxation.
Durant 3 ans et en s’inspirant des outils de sa première carrière en tant que spécialiste des organisations, il consacre son temps à l’élaboration de tests visant à mettre en relation des situations données avec des animaux. Ce sera l’objet de son premier ouvrage : L’Arche de Noé.
Chercheur obsessionnel, il lit plus de 240 ouvrages d’inspiration poétique, religieuse, littéraire etc, de tous horizons et de tout temps, afin de découvrir si les corrélations qu’il a établi dans l’élaboration de son test, se retrouvent dans la littérature. Il valide cette première hypothèse et découvre ainsi qu’il existe des associations-type, communes et récurrentes.
Travailleur invétéré, Georges Romey consacre la deuxième partie de sa vie à étudier les Rêves Eveillés Libres de ses patients. Il théorise sa méthode en s’appuyant sur les fondements de la psychologie freudienne et jungienne.
Il présente sa méthode dans une quinzaine d’ouvrages et plus précisément dans Le rêve éveillé libre. C’est en faisant une recherche systématique des symboles qui apparaissent avant et après un symbole donné, et en basant son étude sur près de 18 000 rêves, qu’il parvient à élaborer l’Encyclopédie de la symbolique des rêves. Cette œuvre monumentale lui a permis de dégager certaines constantes précises liées à la dynamique symbolique et d’établir, pour chaque symbole, une valeur psychologique.
L’œuvre de Georges Romey pour décrire et expliquer la méthode
Georges Romey a passé près de 25 années de sa vie à écouter les scénarios oniriques de personnes ayant vécu divers traumatismes. Ses livres sont des descriptions cliniques; il retranscrit, explique et éclaire les différents Rêves Éveillé Libres qui ont été produits par ses patients en cabinet.
Chercheur acharné, il démontre dans ses ouvrages comment le REL permet de se libérer des entraves psychiques et des empreintes traumatiques laissées par la vie. Il n’aura de cesse de compléter ses observations et de continuer à étudier la dynamique de l’imaginaire jusqu’à la fin de ses jours. Il meurt le 3 mai 2019 à Quimperlé, à l’âge de 89 ans.
Près de 45 ans après la découverte de la méthode “libre” du rêve, Georges Romey laisse derrière lui une quinzaine d’ouvrages de référence et une Ecole de formation au Rêve Eveillé Libre (EREL) qui a délivré le diplôme du CAPREL (Certificat d’Aptitude à la Pratique du Rêve Eveillé Libre) à plus de 300 praticiens pour assurer la pérennité de la méthode.
A une époque où les cabinets de psy affichent en moyenne 6 mois d’attente pour un premier rendez-vous et que nous prenons pleinement conscience des liens qui peuvent exister entre traumatisme et maladie (mal à dire), la méthode du REL s’inscrit comme une alternative efficace.
Consultez la bibliographie complète de Georges Romey ici.