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Extrait d’un article de Georges Romey – paru dans Spasmagazine.

La personne hypersensible réagit vraisemblablement de la même façon que l’individu ordinaire à toute la gamme des affects, des complexes, des traumas, sans qu’on puisse identifier un cheminement particulier dans le jeu des causes et des effets. Par contre, l’hypersensible présente un terrain spécifique, une réactivité physiologique d’un niveau plus élevé que celui de la moyenne des individus. C’est cette hyper-excitabilité qui provoque un effet d’amplification des ressentis, des émotions et porte ceux-là jusqu’au point d’intensité où ils s’avèrent difficilement supportables.

Le malaise psychologique, quelle qu’en soit la nature, résulte presque toujours des mêmes données : des inhibitions, qui se sont inscrites dans le dispositif neuronal au fil des expériences traumatisantes de l’enfance ont favorisé l’élaboration du système de défense du mental. Celui-là, expert en argumentation intellectuelle, s’épanouit en réseaux toujours plus complexes de justifications dont le rôle est d’interdire aux sentiments réels, aux pulsions naturelles, de s’exprimer. Les tensions occasionnées par la confrontation entre les sentiments opprimés, qui font constamment pression pour se faire reconnaître et les résistances du mental, engendrent une souffrance dont l’origine échappe à la personne qui la subit. Cette souffrance se traduit habituellement par un inconfort psychologique d’une intensité plus ou moins tolérable mais, chez l’hypersensible, elle se transforme en angoisse si aiguë parfois que les crises émotionnelles les plus spectaculaires ne suffisent pas à la dissiper.

Le praticien du rêve éveillé libre a presque chaque jour l’occasion de constater un même phénomène : une personne arrive, manifestant un état de surexcitation intense, qu’elle justifie, pendant la phase d’accueil, par l’exposé d’une préoccupation consciente. Le thérapeute est enclin à se laisser entraîner par les arguments qui lui sont présentés, bien ancrés dans une logique qui paraît sans appel. Pourtant, au terme de cet entretien d’accueil, qui devrait avoir une action cathartique, apaisante sinon résolutoire, la tension qui animait son interlocuteur n’a pas diminué. Souvent même, au contraire, l’expression véhémente de ce qu’il estime être la cause de son inconfort alimente la surexcitation. Alors, le patient s’allonge, entre dans la phase de « rêve », exprime, trente à quarante minutes durant, les images qu’il se donne à voir et les émotions qu’elles induisent. Lorsqu’il ouvre les yeux et se prête au dialogue d’interprétation, la tension qui le hantait s’est évaporée! Quelques instants plus tard, il prend congé sur des paroles de reconnaissance, heureux de s’être libéré du poids qu’il portait sur l’âme en arrivant ! A quoi tient ce « miracle » ? S’agit-il d’un effet ponctuel ou d’une amélioration durable ?

Essayons de répondre à la première question. Que peut faire la personne, hypersensible ou non, lorsqu’elle est atteinte par un malaise psychologique plus ou moins constant, qui lui gâche le plaisir de vivre ? Réfléchir, bien sûr ! Chercher à « comprendre » l’origine de son inconfort ! Sans savoir que plus elle fait appel à l’intelligence mentale, à la logique intellectuelle, plus elle s’écarte du chemin qui la conduirait au soulagement ! Aux effets douloureux qu’elle ressent, la loi de causalité l’invite à trouver une « raison » logique ! Alors elle cherche, se réjouit d’avoir identifié une cause plausible et doit bientôt constater que le malaise demeure. Que faire sinon chercher une autre cause, qui s’avèrera très vite illusoire ? Cent fois, mille fois, la personne a « réfléchi » aux racines possibles de la souffrance, renforçant à chaque fois le sentiment d’être enfermée dans une ronde infernale de pensées inopérantes. Le labyrinthe des pensées enchevêtrées sera d’ailleurs d’autant plus redoutable que la capacité intellectuelle sera plus développée !

« La névrose, dit A. janov, n’est pas une maladie du comprendre mais une maladie du sentir ! » – Et si, pour sortir du piège dénoncé plus haut, il suffisait d’admettre cette vérité ? Comme elle apparaît simple alors la clé qui ouvre la voie du bien-être ! Comme elle est aisée à saisir pour qui accepte de ne plus la chercher avec les yeux du mental ! Que se passe-t-il donc lors de ce « rêve » qui paraît doté de pouvoirs quasi magiques ?

Dans toutes les techniques de relaxation faisant appel à la position allongée, une modification importante du métabolisme intervient. Le rythme de circulation sanguine se ralentit, l’irrigation du cerveau en oxygène diminue et, de ce fait, l’emprise du contrôle mental s’affaiblit naturellement. La conscience latente est toujours présente mais n’exerce plus la vigilance qui, en état de veille active, lui permet de refouler les sentiments réels. Dans cette situation, l’influx nerveux, libéré des contraintes que lui imposait le service de la raison, exerce son action sur des zones habituellement inaccessibles du dispositif neuronal. Ce faisant, il rencontre des positions neuronales inhibitrices qui se sont formées en réponse à des menaces ressenties par l’organisme à des stades très précoces du développement : au cours de l’enfance, de la toute première enfance, de la naissance et même de la période de gestation. Les engrammes qui se sont fixés au cours de ces temps ou le dispositif intellectuel n’était pas encore présent, sont, par ce fait même, inaccessibles à la réflexion consciente ! Le mental ne peut retrouver dans la mémoire que ce qui est passé par lui. L’influx nerveux, lui, atteint sans difficulté, dans l’état de relaxation, ces enregistrements très anciens, érigés en réponse à quelque danger aujourd’hui disparu et donc inutiles, voire nocifs pour le fonctionnement de l’organisme. Il accomplit alors un travail de rétablissement de l’état initial de la zone neuronale concernée. Cette action réalisée, rien ne pourrait la remettre en cause puisque l’inhibition supprimée répondait à un besoin de défense de l’organisme, aujourd’hui disparu. Ce qui est acquis au cours de chaque séance de rêve éveillé libre est de ce fait irréversible. Ceci constitue la réponse à la deuxième question posée : oui, le soulagement constaté après la séance n’est pas une simple amélioration ponctuelle mais bien un résultat dont la pérennité est démontrée par l’expérience.