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CLAIRE MARIN OU L’ART DE LA VARIATION (1) : ETRE A SA PLACE

Claire Marin, Etre à sa place, Editions de l’Observatoire/Humensis, 2022.

Dans son dernier ouvrage, la philosophe Claire Marin propose d’explorer le thème de la place par un jeu de variations extrêmement riche et foisonnant. Elle y parle de la place que l’on habite, de celle que l’on quitte ou que l’on cherche ; de la place subie, conquise ou perdue ; de la fameuse “bonne place”, de la “mauvaise” ou de la “suffisamment bonne”. Elle y convoque des philosophes, des sociologues, des anthropologues, des psychanalystes et surtout des écrivains. Elle y évoque des espaces géographiques et symboliques, intimes et sociaux, psychiques et corporels. Elle y déploie essentiellement les questions de la liberté et de l’identité en prenant en compte la complexité des êtres, leur fragilité et leur ambivalence.
C’est un texte superbe que j’ai lu avec beaucoup de plaisir et d’intérêt et que je vous recommande car, même si tous les chapitres ne vous concernent pas, vous trouverez largement de quoi penser et comprendre.
Quant aux Gestaltistes, vous trouverez, dans un autre vocabulaire et avec d’autres références, beaucoup de proximité avec notre approche thérapeutique et existentielle. Sans doute parce que Claire Marin est, entre autres, une héritière de Sartre. Ce livre me semble être une bonne lecture pour nous-mêmes et pour les personnes que nous accompagnons.
Pour vous donner une idée de l’intelligence, de la finesse et de la qualité littéraire de cet essai, voici un extrait d’un chapitre intitulé « Déserter » :
“On peut souffrir de n’avoir pas sa place tout comme on peut désespérer de voir à que point celle-ci est dessinée depuis longtemps, comme si elle nous attendait, comme si on était là pour remplir cette case du grand échiquier social. Dans son roman Un homme qui dort, Perec traduit cette angoisse d’une vie déjà toute tracée au sein de laquelle même les bifurcations semblent prévisibles, comme si le sujet devait inévitablement être rattrapé par ce qu’il est censé être, ce qu’on attend de lui. Comme si la force d’inertie de l’organisation sociale condamnait à l’avance, dans une tragédie sans transcendance, à ne pouvoir être que soi, à ne pas pouvoir s’imaginer autre, à ne jamais pouvoir se risquer à sortir des rails. […] Si chaque moment est déjà prévisible, si notre vie est jouée d’avance, voulons-nous encore jouer à ce jeu ? Si la puissance contraignante de la désignation, l’attribution à chacun de sa place et de son rôle nous dépouille du pouvoir même de choisir, peut-être reste-t-il comme seule possibilité de refuser de jouer, refuser le simulacre de liberté et déserter.”

Et pour celleux qui voudraient poursuivre, voici le lien d’un excellent entretien de Claire Marin avec le philosophe Charles Pépin dans son émission estivale Sous le soleil de Platon : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sous-le-soleil-de-platon/sous-le-soleil-de-platon-du-mercredi-17-aout-2022-1516223