Paul B. Preciado, Je suis un monstre qui vous parle, Grasset, 2020.
Dans cet essai brillant et très stimulant, Paul B. Preciado mêle autobiographie, pensée critique et engagement politique pour lancer un cri d’alerte aux psychanalystes contemporains : si la psychanalyse veut survivre et continuer à accompagner au plus juste les vivants, elle doit absolument faire sa révolution et changer radicalement de paradigme. Débinariser, dépatriarcaliser, deshétérosexualiser, décoloniser aussi bien ses théories que ses pratiques, ses institutions que ses membres, voilà le projet proposé par le philosophe pour que la psychanalyse devienne enfin ce qu’elle a toujours voulu être, un outil d’émancipation et d’ouverture des possibles.
Oui ce texte est provocateur ! Oui ce texte est simplificateur ! Oui ce texte oublie beaucoup de choses, en particulier que nous travaillons avec des personnes socialisées dans un monde binaire, hétéropatriarcal et colonial et que donc les théories et les concepts issus de ce même monde nous permettent aussi de les comprendre et pas seulement de les y enfermer.
Il n’empêche que ce texte voit juste. Malgré les bonnes volontés individuelles, les prises de position et les travaux de quelques-un.e.s, j’ai pu constater par moi-même que le binarisme sexuel, les stéréotypes de genre ou encore l’hétérosexualité comme norme n’étaient pas souvent questionnés. Et je ne parle même pas du manque cruel d’esprit critique lorsqu’il s’agit de certains concepts freudiens ou jungiens ! Le champ de la psychanalyse, en effet, doit faire sa révolution copernicienne.
Merci donc Paul B. Preciado : merci de votre sagacité, merci de votre courage et merci, surtout, de votre confiance. J’espère que nous en serons dignes.